La boule de sable : un jeu traditionnel des bords de Loire

Dans les Mauges, on ne parle pas de terrain plat ni de cochonnet en métal. Sur les rives de la Loire, on lance des boules en bois dans le sable, avec adresse, patience et un brin de stratégie. Ce jeu-là, on raconte que les mariniers le pratiquaient déjà sur les grèves, entre deux traversées. La boule de sable, c’est un jeu d’ici. Une tradition ligérienne qui subsiste, portée par la passion de ceux qui la vivent. Plongez au cœur de cet héritage local entre Angers et Nantes.

Aux origines du jeu

Impossible de savoir qui le premier a lancé une boule dans le sable ligérien. Mais les histoires, elles, vont bon train. Et chacune raconte certainement un petit bout de vérité.

Certains disent que tout a commencé sur les grèves, quand les tuffelliers – ces mariniers qui transportaient le tuffeau – attendaient que le vent se lève. Pour passer le temps, ils s’amusaient à lancer des morceaux de bois vers un piquet planté dans le sable. De simples cubes, qui ont fini par s’arrondir à force de rouler. Et quand la cale du bateau était vide ? Ils jouaient dedans pardi ! De là serait même née la boule de fort (mais c’est encore un autre sujet 😉).

D’autres assurent que le jeu vient des campagnes Maugeoises, là où les paysans lançaient des rondins de bois entre deux hameaux. Ils appelaient ça la paillasse. Un jeu brut, rustique, mais déjà stratégique : se rapprocher au plus près du piquet, sans jamais le toucher.

Et puis il y a la version des grands domaines : une fois l’an, le seigneur conviait ses fermiers à une journée de fête. On jouait, on buvait, on lançait les boules dans la bonne humeur. Le vainqueur repartait avec une sphère peinte aux armoiries du maître. Un trophée qui rappelle la boule d’honneur remise aujourd’hui aux champions de concours.

Alors… mariniers, fermiers ou seigneurs ? Peut-être un peu de tout ça. Ce qui est sûr, c’est que la boule de sable vient d’ici. De ses gens, des bords de Loire et de la tradition.

Une affaire de villages Maugeois

En Anjou, la boule de sable n’est pas un jeu qu’on apprend dans les livres. On la découvre sur le tas, souvent par hasard, guidé par un grand-père, un voisin ou un copain du coin. C’est un jeu qui s’attrape en observant, en imitant, en partageant.

Ancrée sur les bords de Loire, la pratique est restée vivante dans quelques communes des Mauges, là où le fleuve a laissé ses grèves, et les habitants, leurs souvenirs.

À Saint-Florent-le-Vieil, les habitués du cercle Notre-Dame-d’Anjou se retrouvent au pied de l’Abbatiale pour entretenir cette tradition locale. À Beaupréau, l’association « La Juiverie » organise tournois et rencontres transmettant l’esprit du jeu.

On croise aussi des joueurs aguerris à La Pommeraye, Beausse, Sainte-Christine, Liré et dans quelques cercles d’initiés, un peu partout dans les Mauges. Si les clubs se font rares, la passion, elle, demeure intacte. La boule de sable, inscrite au patrimoine culturel immatériel de France, est un véritable marqueur d’identité locale… 100% Angevin !

Kit du parfait bouliste ligérien

Un terrain de boule de sable, ça ne ressemble à rien de connu. Ici, on joue dans une aire sablonneuse, légèrement creusée, souvent bricolée à la main. Le sable ? C’est celui de la Loire, évidemment, récupéré sur les grèves ou autrefois dragué à même le lit du fleuve.

Autour, des planches délimitent le terrain. Certaines viennent de loin – ou plutôt de pas si loin : anciennes traverses de chemin de fer, ou planches usagées des ponts ligériens réemployées avec ingéniosité. Du bois robuste, recyclé localement… finalement rien ne se perd, tout se joue.

Les boules, taillées dans du chêne vert, peuvent peser jusqu’à 3 kg. On les garde dans l’eau entre deux tournois pour préserver leur bois. Le « maître », lui, c’est une petite boule d’environ un kilo qu’il faut approcher au plus près… sans jamais la toucher. En langage local, on appelle ça “aller au cul du maître” — une affaire de finesse, certainement pas de force.

On lance, on dose avec subtilité. Le terrain, rectangulaire avec ses creux et ses bosses, demande de lire les pentes et d’anticiper les rebonds. Un jeu d’adresse, certes, mais aussi de patience et de stratégie. Véritable art de vivre local, où l’on vise juste sans jamais brusquer le jeu.

Ça joue là-bas, vous venez ?

Bon, il faut se l’avouer, on ne tombe pas sur une partie de boule de sable comme on irait voir un match de foot. Il faut un peu de chance. Ou mieux : connaître quelqu’un… un habitant passionné, un ancien ou peut-être même un voisin.

Et là, on observe. Les gestes sûrs, les silences entre deux lancers, les regards qui calculent les pentes. C’est beau, une partie bien menée. Et surtout, c’est contagieux !

Alors si vous en croisez une, n’hésitez pas. Arrêtez-vous, regardez. On ne vous passera pas tout de suite une boule — ça se mérite —, mais rester en bord de terrain, encourager, échanger un clin d’œil complice, c’est déjà en partie entrer dans le jeu !